Allahabad, Kumbh Mela et son lot de personnages

24.01.2013
Nous nous levons à 6h et sautons à bord d'un cyclo-rickshaw dans les rues encore désertes. Il pleuvine un peu, l'air est glacial. On se croirait au moyen-âge, comme dans 'les piliers de la terre'. Nous trouvons rapidement le bus pour Allahabad, et c'est parti pour 3h de route, la tête enfoncée dans nos bonnets, les mains dans les gants et le cou entouré dans l'écharpe. Mais rien à faire, il fait froid. Le bus fait de nombreux stops, nous en profitons pour boire un thé.
Arrivés à Allahabad, nous nous rendons compte de la grandeur du festival. Des hectares de terre et de sable le long du Gange sont recouverts de tentes et d'habitations de fortune. Le Kumbh Mêla dure 1.5 mois et regroupe plusieurs millions de croyants. Il y'a 4 ou 5 dates plus importantes ou 40 millions de personnes se réunissent, cette fête a lieu tous les 12 ans.
De la gare routiere, nous montons dans un rickshaw pour nous rapprocher de Sandam. La ville est en effervescence! C'est un peu comme la fête de la bière à Munich, la croyance remplassant l'alcool et en beaucoup plus grand. Nous avalons un repas servi sur un plateau en métal pour 3 fois rien et nous plongeons dans l'ambiance.
Un couple d'étrangers très perché nous accoste et nous propose de discuter ensemble autour d'un joint et d'un thé. Nous déclinons l'invitation et continuons notre chemin au milieu des tentes. Le site est remarquablement bien organisé, des routes (avec des plaques en métal pour éviter de patauger) passent entre les quartiers des tentes, chacun dispose d'un wc. Il faut le souligner, malgré le nombre effrayant de croyants, l'endroit est le plus propre que nous ayons vu jusqu'ici en Inde!
Des sadhus nous invitent sous leur tente. Nous nous asseyons et admirons ses personnages. Leurs chevelures sont impressionnantes par leurs longueurs. Ils frottent leurs cheveux avec la sève des arbres, ce qui en active la croissance et leur donne l'aspect d'épaisses mèches pareilles à des toisons de laine... Ou à des dreds. Ils les portent soient lâchés soit enroulés en chignon, un véritable nid à poux... Finalement, Yoann se dit que sa barbe et ses cheveux ne sont pas si longs que ça... Un reporter indien le photographie tout de même pour son physique d'étranger intéressant, peut-être fera-t-il la une d'un journal local?!
L'un d'entre eux, la bite à l'air est recouvert de cendre, symbole de renoncement absolu comme Shiva. Seuls les pieds et mains ne sont pas peints. Un autre, assis devant le feu est en train de frire des beignets et nous en tend une assiette (à comprendre, un bout de journal ou une feuille). Difficile de refuser, et c'est bien bon. Mais nous réalisons plus tard que les feuilles vertes dans les beignets ne sont sûrement pas des épinards... Un troisième personnage (on se croirait sur une autre planète située bien loin de notre amie la terre!) est en train de moudre des feuilles entre ses mains et fait une montagne de poudre de cannabis. Lorsque le cuistot mélange le demi-kilo avec la pâte à beignet, nous décidons qu'il est temps de lever camp, malgré leur charmante compagnie! Gardons l'esprit clean!
Nous reprenons notre ballade, buvons un thé et refusons les invitations des autres gurus, qui nous paraissent un poil risquées. Les gens sont posés, mangent, boivent, dorment, discutent, s'épouillent, se lavent, puis redorment... L'activité est grande, l'énergie beaucoup moins. Une mini-ville a poussé dans la ville, avec son lot de barbiers, coiffeurs, réparateurs de chaussures, cuistots, et tous ces religieux vénérés comme des dieux! Jamais au grand jamais nous n'avons vu concentration pareille de personnalités aussi extravagantes.
Nous n'avons traversé qu'une toute petite partie du site sur la rive gauche du Gange où les prières sont dédiées à Shiva, de l'autre côté elles sont tournées vers Vishnou et Brahma. Nous empruntons un des 10 ponts flottants mais nous n'avons pas le temps d'explorer les lieux car il faut se mettre sur la route du retour. Nous déambulons toujours intrigués et étonnés par les Sadhus que nous croisons.
Du pont routier, en dur cette fois, qui surplombe le lieu, on ne peut toujours pas se rendre compte de l'étendue gigantesque d'habitations et temples de fortune malgré la brume dissipée. On parle de 20 km de long.
Nous serions bien resté plus longtemps, histoire de nous imprégner plus des rituels et découvrir les cérémonies du soir et du matin avec les ablutions dans le Gange. Sympathiser avec des habitués parlant anglais paraît assez simple, on aurait alors eut plus d'explication sur toute la symbolique de ce lieu.
Après 5 minutes d'attente nous montons dans un bus et avons 4h de route bouchonée devant nous. De retour à Varanasi, la nuit et la chaleur sont tombées, nous montons dans un rickshaw et traversons l'effervescence de la ville dont certains quartiers préparent la fête de l'Aïd pour le lendemain. Nous nous restaurons près de l'hôtel, réservons des billets de train pour Kajuharo et nous endormons la tête encore pleine d'images à peine croyable.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Varanasi, ballade le long du Gange

23.01.2013
Nous trainons un peu au lit. Il doit faire à peine 10 degrés dans la chambre, seuls nos nez sortent du duvet. La ville est entièrement drapée dans la brume, on ne distingue pas le fleuve. Nous sortons pour faire 2 pas et rentrons dans le café d'en face y boire du thé chaud. Lorsque le soleil sort timidement, nous prenons une douche, soit l'eau est chaude, mais comme elle se trouve dehors sur notre balcon, c'est tout de même un peu rude. Nous donnons un peu de linge à laver au proprio, la polaire blanche de Laure est définitivement grise...
Puis partons en direction du sud de la ville pour visiter un temple. L'étalage de sucrerie nous fait de l'œil, aux couleurs et formes toutes différentes. Nous goutons à ces bombes de calories, assis sur un banc le long du Gange. Puis suivons les marches des Gaths, où l'animation se fait moindre lorsqu'on s'éloigne du centre. Finalement nous marchons beaucoup beaucoup trop loin. Les berges du Gange sont peuplées de vaches, buffles et chèvres qui paissent tranquillement ce qu'ils trouvent à manger, c'est-à-dire, les déchets. Autant dire que le lait que nous buvons tous les jours dans le thé est loin d'être du 'bio'.
Les femmes ramassent les bouses et les malaxent avec leurs mains (un peu comme Laure lorsqu'elle pétrie la pâte de brioche du samedi matin!) et les font sécher sur les murs et sur le sol, pour les utiliser ensuite comme combustible.
Les berges sont calmes, on se sent presque à la campagne. Un champs entier est consacré à la plantation des fleurs orangés qui sont utilisées à toutes occasions. La brume persistante au dessus du Gange nous fait penser à un front de mer (sauf que ça sent pas la mer mais la merde, comme le fait remarquer Yoann!)
À la périphérie de la ville, un ruisseau qui se jette dans le Gange nous barre le passage, nous rentrons donc dans les rues. Un grand pont reliant les 2 berges est en construction, mais vu l'état d'avancement et l'outillage utilisé, le chantier est loin d'être terminé. En attendant, les habitants utilisent un pont flottant. Nous rebroussons chemin, mais le plan de la ville du guide n'est pas assez précis, nous demandons notre chemin puis optons pour un cyclo-rickshaw qui nous emmène devant le temple Sankat Mochan. Nous attendons son ouverture avec un thé, laissons sacs et appareils photos à l'entrée puis pénétrons dans l'enceinte. De nombreux singes ont envahi le temple, pas farouches pour un sous. Nous nous déchaussons et prenons part à la file d'attente. Les indiens apportent de nombreux dons afin de les faire bénir par l'eau. Ils trempent ensuite leurs doigts dans la peinture orange, se font le fameux troisième œil sur le front et étalent le reste de peinture sur les piliers du temple, dont les décors ont disparu depuis longtemps sous la couche orange. L'architecture en soit n'a rien de particulier, c'est plus le flair à sentir qui rend le lieu intéressant, car vraiment sacré.
Nous rentrons à pattes à l'auberge et passons devant le lieu des crémations pour les pauvres. Un corps est en feu, mais le bois de mauvaise qualité brûle mal et laisse entrevoir le crâne et le corps à moitié carbonisé. Cette masse noire est impressionnante!
Nous nous calons sur la terrasse de l'auberge qui surplombe la ville. Le soleil se couche, tous les toits sont remplis de gamins qui jouent avec leurs cerfs-volants qui virevoltent gaiement dans le vent. Quand ils tirent sur le fil de pêche auquel le cerf-volant est accroché sa structure se déforme et cela reproduit les battements d'ailes d'un oiseau qui le fait monter toujours plus haut. Le spectacle est éblouissant! Et contraste fortement avec l'odeur de chaire humaine... Varanasi n'est pas seulement la ville de la mort, c'est aussi les cerf-volants, les vaches reines, la soie...
Nous rejoignons ensuite le Ghat proche de la maison où a lieu tous les soirs le Puja et assistons à la cérémonie de A à Z, ou plutôt de A à W, la fin étant un peu longue et le sol est gelé. Les 5 hommes effectuent des gestes précis et les répètent à chaque fois aux 4 points cardinaux, avec de l'encens, de l'eau, du feu, des fleurs... La musique est entraînante.
De retour à l'hôtel, nous sautons dans nos duvets et fermons les yeux.
Les ablutions
Pont flottant
Cerfs-volants
 
 

Varanasi, la ville de la mort...

22.01.2013
La nuit fut très bruyante. Des gens ont entamés un concert au milieu de la nuit, puis un second, s'ensuit les carillons des temples et les chants des mosquées. Un chien hurle tellement à la mort, ses cordes vocales expriment toute sa douleur, que Laure hésite à se lever pour aller l'achever au couteau suisse...
Vu la sympathie de notre proprio, la lenteur du wifi, et la douche froide, on décide de chercher un autre logement. Mais c'est un peu trop tôt. Nous trouvons une boulangerie, dont les propriétaires allemands ont ramenés avec eux de bonnes recettes de brioches sucrées au chocolat ou à la cannelle. C'est bien bon, accompagné d'un thé sucré au lait, ça glisse comme sur des roulettes.
L'indien qui nous sert est bien fier de nous montrer son auberge à 2 pas de là. La seule chambre disponible avec une chouette vue sur le Gange avec balcon au dernier étage est un peu chère. Nous continuons la recherche pendant une heure et croisons la mort qui frappe de tous cotés dans ces ruelles sordides où le monde émerge: une petite souris, un gros rat, un chien et un chiot qui tient dans la main...
A force de tourner et retourner le mec de la guesthouse qui nous plaît nous fait le tarif qui nous convient aussi. Nous y amenons nos sacs et allons nous balader au bord du Gange.
 
Âmes sensibles s'abstenir du prochain paragraphe...
 
Nous arrivons jusqu'au Ghat Dasashwamedh où se déroulent les crémations 24h sur 24 à la chaîne. Le lieu est sacré, le feu ne s'y serait jamais éteint depuis des milliers d'années. C'est un privilège d'être inhummé ici pour un indien. Il faut faire attention, pas de photo sous peine de se voir affliger des amendes par des locaux armés de bâtons. Il ne faut pas les écouter non plus car ils te font te déplacer pour ne pas générer un mauvais karma, respect des familles, etc, et après du point de vue où ils t'ont emmené essayent de te soutirer de l'argent pour les mêmes raisons, karma, blablabla. Nous ne nous laissons pas avoir et bougeons plusieurs fois. La première impression c'est l'odeur de chair brûlée qui vous glace les os. Ensuite le déroulement, les hommes décédés sont enveloppés dans un linceul blanc, pour les femmes c'est rouge. Le corps est ammené sur les bords du Gange sur un brancard de bambou près d'un brasier éteint et recouvert de fleurs très colorées. Ensuite on le recouvre de 300 kilos de bois quand on a les moyens. Si l'on peut se le permettre du bois de sental à 50€ le kilos, ou pour moins cher du bois qui brûle mal à 50 centimes. Si l'argent n'est pas suffisant, moins de bois et le corps à moitié brûlé finit dans le Gange comme ça. Le fils ou à defaut l'homme le plus proche du défunt allume le feu avant de s'être fait rasé la tête ne laissant qu'une petite mèche de cheveux derrière le crâne. Parlant de crâne c'est aussi à cet homme de fendre celui du défunt à la hache pour en laissé s'échapper l'âme. Quand le feu s'éteint, on vérifie que tout a bien brûlé en tapant sur les cendres avec un bâton brisant les derniers gros os puis le tout part dans les eaux sacrées. De petites mains s'en vont rechercher les éventuels bijoux ou dents en or portés par le defunt. Faisant mine de téléphoner Yoann arrache quelques images avec l'iPhone...
 
Que de sensations fortes depuis notre arrivée ici... Nous reprenons notre ballade déconcertés, pleins d'images et d'odeurs qui s'incrustent dans le crâne. Cela nous emmènent à presque nous perdre dans les ruelles de la ville. Puis l'estomac crie famine, il est 16h. Autant dire que nous avons trouver meilleur coupe faim que toutes les pilules existantes. Nous nous installons dans un boui-boui et trouvons un plateau que l'on partage rempli de tout plein de spécialités locales: olives, bouillie d'épinard fortement épicée, pommes de terre, différentes lentilles, du riz et 2,3 sauces pour aller avec. Ayant peur de manquer nous rajoutons un pankraht au fromage, et du thé.
Nous passons près du temple d'or qui en est recouvert de 800 kg, mais ne pouvons le visiter, réservé aux locaux encadrés pas les militaires et nous ne pouvons en voir un centimètre carré car il est encastré au milieu du dédale de ruelles. Déçus...
Nous retournons dans le brouhaha du shawk, la rue commerçante où sont concentrées sur 300 m des dizaines d'échoppes vendant toutes sortes d'artisanat et de vêtements. A l'auberge, la musique adoucit les moeurs dit-on, Laure joue du melodica et cela nous repose mentalement de toutes ces émotions. Nous ressortons boire un thé, et voulant prendre un billet de train pour un jour où il n'y en pas, il va falloir revoir les plans.

 
Vue de la guesthouse
Nous n'avons pas (encore) la galle mais lui si...
Au bord du Gange, on joue aussi au cricket
Tandis que les vaches sacrées se prélassent
Les crémations
La queue pour entrer au temple