Kajuharo, découverte de la vie à la campagne

26.01.2013
Nous achetons 2 billets de train (0.50€!) pour les 50 derniers kilomètres jusqu'à Kajuharo. Et attendons 3h sur le quai, enveloppés dans nos polaires et coupe-vents, frigorifiés. Les indiens dorment à même le sol, pieds nus avec une petite couverture sur le dos. C'est dur à voir, tous ces bambins encore plus congelés que nous.
Le train arrive en retard. Un indien nous parle pendant tout le trajet, mais on se rend bien vite compte qu'il veut nous rouler dans la farine, avec toutes ses belles paroles et ses invitations persistantes. Nous descendons sur le quai et négocions un rickshaw avec un coréen pour rejoindre le centre ville. Le conducteur nous dépose devant une auberge, et s'empoche sûrement une petite commission lorsque nous y acceptons une chambre, après avoir fait baisser le prix. C'est relativement propre, nous ne sommes plus très exigeants non plus... La nuit blanche est dure à glisser mais l'excitation est trop forte. Nous ressortons directement pour boire un thé au soleil et avaler quelques galettes avec une sauce épicée.
C'est aujourd'hui la fête nationale en Inde. Les différentes écoles se présentent sur une estrade avec danse et musique. Des chars ont été confectionné et défilent dans la rue principale. Nous rencontrons 2 jeunes indiens qui parlent anglais, Charlie et Raju, qui nous proposent d'aller visiter leur village, la partie ancienne de Kajuharo. Ils nous serviront de guides pour toute la journée et nous apprenons un tas de petites choses de leurs vies de tous les jours.
Les 4 castres du village sont séparés nettement en plusieurs quartiers, dont chacun dispose d'une école, d'un temple avec son arbre sacré, son puits pour la lessive, sa pompe à eau "potable". Certains toits sont recouverts de tuiles en terracotta artisanales. Les murs sont construits en brique ou en bouse. Les paliers des maisons sont recouverts de bouse de vache pour écarter les moustiques et les mauvais carmas. Les portes sont de petites tailles, ce qui oblige l'hôte à abaisser la tête en rentrant, comme preuve de respect. Des niches sont creusées dans les murs, pour y déposer des bougies la nuit, qui servent de lampadaires.
Voilà comment Charlie nous explique les choses:
  • La première classe regroupe les indiens avec une formation, leur point fort est la tête.
  • La seconde classe représente les conducteurs de rickshaw et taxis, ils ont besoin de leurs bras.
  • La troisième caste, ce sont les paysans, ils doivent se remplir le ventre pour le travail physique.
  • La quatrième caste regroupe les balayeurs et récureurs de toilettes, les jambes sont pour eux très importantes car ils doivent pédaler longtemps pour aller bosser.

Du coup, les gens de première caste ne touchent pas les 4ème, les dégueulasses. Et si cela arrive, ils doivent prendre une douche avant de rentrer chez eux.
Mazette, heureusement que la vie sociale n'est pas rangée comme des tiroirs en France, on serait bien mal barrés...
Nous visitons une école, où 9 professeurs volontaires assurent les cours à 130 élèves de toutes castes confondues du village. Le directeur nous explique le fonctionnement. L'école est privée mais l'enseignement gratuit, les frais étant couverts grâce aux dons. Les bâtiments sont très rudimentaires, les salles de cours ne disposent d'aucune table, ni de chaise, juste un tableau noir peint directement sur le mur blanc. Les enfants s'assoient donc par terre. Lorsqu'il pleut abondemment, le toit prend l'eau et ils se regroupent à l'étage du dessous. Il leur est fourni un uniforme en début d'année, afin de gommer toutes différences sociales entre les castes. Lorsque l'école dispose de nourriture, le repas du midi est offert.
Les élèves ont fini leur spectacle de danse, chacun récolte un sac en plastique avec des sucreries dedans, le sourire aux lèvres, nous aussi. Nous faisons un petit don pour soutenir ces bonnes actions et repartons en compagnie de nos guides. Une amélioration du niveau de vie en Inde passerait-il par une meilleure éducation, égale pour tous? C'est bien ce que nous pensons, mais les gens des castes élevées préfèrent que les bambins des rues restent ineduqués pour continuer à ramasser leurs merdes... Cette école n'est donc pas soutenue par les habitants 'fortunés' du coin, voilà comme nous décrit le directeur la situation actuelle ici.
Plus nous récoltons d'informations sur les différents dieux et croyances, plus la religion en Inde nous semble très complexe. Pour être francs, nous n'y comprenons plus rien du tout! Il n'existe qu'un seul dieu, le même pour tous les terriens, mais 33 millions d'incarnations en Inde, ce qui leur laisse un grand éventail de choix...
Charlie nous invite à manger chez lui, alors un peu gênés d'arriver sans prévenir, nous pénétrons dans sa case. Sa mère est en train de cuire les "pizzas indiennes", les chapatis. Nous avons donc l'honneur de nous blinder le ventre avec ses galettes à la farine de lentilles cuites au feu de bois. Ses parents sont fermiers, ils ont 3 chèvres pour le lait (lorsqu'elles meurent, ils ne les mangent pas mais les enterrent et les pleurent), quelques poules pour les œufs, un bout de terre où poussent des épinards. 7 bouches à nourrir. Pas facile tous les jours, comme le prouvent les traits tirés des parents et leurs corps amaigris.
Nour partons visiter le temple de Parshvanath, dont l'architecture est nouvelle pour nous. De hautes colonnes s'élèvent aux formes géométriques. Nous nous déchaussons, photographions plusieurs représentations de dieux et assistons à une prière avec offrande.
Nous retrouvons Charlie en centre ville qui nous explique alors que son jeune frère s'est battu avec une bande de garçons et qu'il a pu le sortir du poste de police moyennant bakchich. 2 jeunes passent en moto, l'un portant un sabre plus long que sa jambe, l'autre un fusil...
Nous buvons un coup ensemble sur une terrasse qui surplombe le centre-ville, le soleil cogne fort et ça fait du bien. Une petite sieste pour Yoann à l'auberge et nous retrouvons les 2 compères pour aller voir le couché de soleil sur un temple de la ville. La vue sur la campagne environnante fait du bien, au loin on entend la prière des musulmans calme et reposante. Des jeunes indiens de nos âges, qui fument le shilam, nous démontrent combien une boite d'allumettes peut être divertissante avec des jeux d'habilité et de magie. On se sent alors un peu con avec notre briquet...
Charlie nous invite à dîner chez lui. Nous effectuons un détour à la maison de Raju, où ses parents nous accueillent à l'intérieur de leur case dont le mobilier est très sommaire. 2 lits, une chaise et c'est à peu près tout. La sœur de Raju se blottie sous les couvertures sur le sol, malade. Le bambin de 14 ans est fier de nous montrer les photos de ses "amis", des touristes de tous pays qui lui ont envoyé quelques cadeaux. Nous rencontrons également la grand-mère qui ressemble à un haricot vert sur pattes. Le père nous propose de goûter l'alcool local, qui provient des fruits des arbres du coin, distillé dans le village. On se laisse tenter, malgré le billet qu'on lui lâche, en sachant très bien que la bouteille en vaut la moitié du prix annoncé. Le reste, il se le mettra dans poche, et c'est pas plus mal ainsi. La boisson nous fait penser à l'alcool de riz qu'on buvait en Chine, mais en moins fort. Nous remercions tout le monde, qui se gèle les miches autour du feu dehors et rejoignons Charlie et sa famille.
Le père part rapidement travailler, il surveille les champs de nuit pour éviter que les vaches mangent ses plantations. Le grand frère est sourd-muet mais la discussion entamée à l'aide de signes s'éternisent et la communication finalement très facile. Il surveille également les champs, mais de jour (sûrement en roulement avec son père). Il nous explique la raison du pourquoi de la chique, cette racine que les indiens mâchouillent continuellement. Elle est coupée finement, mélangée avec du tabac et de la chaux en poudre (pour éviter les maux de ventre, sûrement pour faire un équilibre acide-base). Les indiens sont souvent incapables d'articuler un mot car la bouche pleine de cette bouillie. Comme la drogue, l'herbe et l'alcool sont fortement interdits et leurs consommations conduit à la prison, pour oublier leurs misère, les hommes chiquent. Et nous assistons rapidement aux effets. Le frère devient plus actif, parle avec encore plus de gestes et nous raconte toutes sortes d'histoires. Il aimerait bien voir la neige et faire du ski. Il a une tumeur au pied et boîte gravement.
La maman cuisine dehors devant un maigre feu de bois, et cuire une quinzaine de galettes lui mettra bien 2h la pauvre. Elle cuisine des œufs dans une sauce épicée, (au combien épicée!, et là on s'interroge vraiment pour nos estomacs) mais rien ne se refuse. Nous sauçons donc la coupelle avec les galettes qui n'absorbent pas du tout la sauce, et finissons le jus par un cul-sec! Le repas se passe dehors, sur une pauvre couverture alors que la température ne doit pas dépasser les 5 degrés. Les locaux sont pieds-nus!
Il existe un proverbe kenyan: " Qui avale une noix de coco a confiance en son anus!". Pour nous, c'est plutôt le contraire, le feu aux lèvres...
Il se fait bien tard, et ça pèle alors toute la famille s'installe sous les couvertures sur le sol et nous rejoignons la notre à l'auberge, où nous attendent nos duvets chauds...
La fête nat, sans alcool, sans artifice
 
 
 
L'école
 
La famille de Charlie
Les tuiles en terracotta
 
Le temple
 
 
 
 
 
 
 
La famille de Raju
 
 

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