Calcutta, la paix commence par un sourire!

19.01.2013
Nous nous levons une première fois à 5h pour assister à la messe donnée à 6h dans le couvent de mère Theresa. La fatigue nous pousse à dormir une heure de plus et nous rendre sur place à 7h, où l'on sert un petit déjeuner pour les volontaires. Nous arrivons dans les premiers, suivants dans la rue une asiatique qui à l'air de s'y rendre à la vue de son pas déterminé. Nous discutons avec une infirmière à la retraite qui consacre 4 mois par an au volontariat dans ces centres. Elle nous explique un peu le fonctionnement.
La salle se remplit très vite et quand tout le monde est repu, une sœur nous enregistre pour 3 jours et nous affecte à Prem Dam, un centre où l'on s'occupe des vieillards les plus nécessiteux. Il y a en tout 5 dispensaires en ville, dont entre autre un pour les enfants, et un pour les mourants.

Nous nous retrouvons dans la rue et suivons un américain professeur d'anglais qui consacre son temps libre ici. Il nous guide jusqu'à Prem Dam à travers les ruelles. La misère est présente partout. Il y a des stands pour le thé, la bouffe et toute autre sorte de marchandises. Nous discutons avec les autres volontaires, des gens vraiment ouverts et sympatiques. Toutes nationalités sont présentes, espagnols, chinois, coréens, italiens, sud-africains, français, anglais, de tous les âges. Nous traversons la voie ferrée et nous voilà arrivés.
Nous sommes séparés, l'un s'occupera des hommes et l'autre des femmes.
 
Yoann pose ses affaires dans un casier, enfile un tablier et c'est parti. On commence par le linge et on essore quelques draps et couvertures. Les habitants du centre sont assis le long des murs. On voit toute sorte de maladies mentales, lèpre, gale, tuberculose, et j'en passe et des meilleurs. Une centaine d'hommes vivent ici, amputés, ou estropiés, bandés, aveugles tous plus pauvres les uns que les autres. La mission suivante consiste à s'armer d'un rasoir, un sceau d'eau, un blaireau, un tabouret, une serviette et proposer à ceux qui le veulent de les raser de près. Yoann est désolé pour les deux premiers, le manque d'expérience... Un gars en déambulateur lui montre la technique à adopter et tout s'enchaîne, 6 ou 7 gars se font raser, réconforter, choyer. Yoann discute avec Patrick, un suédois marié à une australienne, qui font leur premier jour aussi.
 
Du côté des femmes: Laure se munie de gants en plastique, remonte ses cheveux (tant qu'à faire, on va éviter de chopper des poux!) et fait part à la chaîne humaine pour le nettoyage de la montagne de linge, haute comme la chaîne de l'Himalaya! Rinçage, puis essorage, puis étendage du linge (vêtements et draps) sur la terrasse qui offre une vue imprenable sur le chaos de la ville. Elle se rattrape ainsi pour la faible quantité de lessive des 5 derniers mois, et prend de l'avance pour les 4 à venir... Une fois la besogne terminée, nous tenons compagnie aux femmes dans la cour intérieure. Les vieilles dames respirent la misère et la maladie... La lèpre, les déformations, les amputations, personne n'en est épargné. 'Gardez votre jeunesse, la Vieillesse c'est digoulasse!'. Le plus impressionnant n'est pas de les voir, mais de les toucher...
Laure enchaîne les séance de massage sur des corps décharnés et amaigris (les cuisses de ses dames sont épaisses comme ses avant-bras!), pas à la méthode thaï brutale, mais avec autant de douceur que possible pour ne pas les 'casser'. Avec de la crème, il faut ensuite leur hydrater la peau sèche comme du cuir de crocodile oublié pendant 2 ans sous un soleil de plomb, bosselée, craquelée, crevassée, croutée, avec eczéma et toutes sortes de maladie... Certains morceaux de membres sont manquants, les moignons suintent. On se demande comment la crème va pénétrer à travers la couche de crasse de certains pieds...
Elle fera même une séance manucure à une gentille dame qui n'a rien oublié de sa coquetterie. Cela fait au moins 15 ans qu'elle n'a pas posé du vernis sur des ongles (on pourrait presque appeler ça de la corne), et il faut que la situation se présente dans un dispensaire d'infirmes à Calcutta. Déroutant!
Un salaud d'indien (mériterait bien un bain à l'acide sulfurique concentré, lui! -H2SO4-, c'est pas mal pour décaper) a brûlé sa femme au vitriol, qui ressemble désormais à un fantôme d'épouvante. La pauvre dame n'a plus de visage, ses traits ont fondu. Ses yeux ont disparu, il lui reste un semblant de narine, 3 poils éparses sur le crâne qui ressemble à la lune et ses cratères, et une bouche déformée avec un rictus effrayant. Elle a toute sa tête, comprend la conversation partagée en anglais, et arrive difficilement à tenir sa tasse de thé mais ses membres et sa peau ne sont que douleur... La chaire de poule est dure à faire partir, les sueurs froides aussi. On passera les détails mais cette vision (heu pardon cet être humain) n'est pas prêt de quitter la tête de Laure!
 
Ensuite nous leur servons le thé avec des petits beurres. Nous faisons la vaisselle et avons le droit à une pause, pour nous aussi nous restaurer des mêmes délices. Un débriefing, et partage d'expériences de sensations s'impose naturellement retrouvants les filles.
La dernière étape, nous distribuons des tasses d'eau, et ensuite formons une chaîne humaine pour passer une assiette remplie de riz et de poulet dans une sauce jaune à chacun des pensionnaires avant de faire une nouvelle fois la vaisselle.

Pour le repas, certaines dames ont besoin d'aide pour manier la cuillère, alors on essaie d'éviter le carnage, mais sans aucune serviette à disposition, ça devient un challenge... Les moyens financiers sont très restreints. D'autres patientes gisent sur des lits, mais on préfère parfois détourner le regard pour se reposer l'esprit 2 secondes...


Nous retournons près de l'hôtel en rickshaw accompagnés de nos nouveaux amis et partageons un repas ensemble. Ensuite, une douche s'impose! On se sent crades, les vêtements sont imprégnés par la maladie, la souffrance et la saleté.
Nous partons au bureau des réservations de train et patientons gentiment pendant une heure. Pour rien du tout au final, car l'office boucle ses portes à 17h, et il y a encore une trentaine de clients devant nous.
Nous allons nous promener dans le marché des fleurs afin d'happer un peu d'air frais. La nuit tombe sur Calcutta, le brouillard aussi. Le sol est toujours aussi riche en détritus mais nos nez et yeux sont heureux du spectacle. Des guirlandes de fleurs multicolores sont vendues ici jours et nuits. L'ambiance est encore une fois indescriptible...
Avant de rentrer à la maison, nous faisons une sacrée boucle dans les rues. C'est l'heure de pointe, la ville est bouchée, comme congestionnée par le trafic. Les voitures coupent leurs moteurs et attendent une amélioration. Nos 5 sens sont en alerte, les yeux n'arrivent pas à se fixer, la tête en tourne...
En traversant le quartier musulman, nous gouttons aux beignets oranges, huileux et mielleux à souhait. Nous avançons à pas d'escargots au milieu du chaos, et devons monter nos genoux toujours plus haut afin de passer les collines de déchets... Et essayons d'éviter les hommes qui portent des sacs énormes sur leurs têtes, les rickshaw qui essaient de passer par des trous de souris. Une pause thé sur un banc, puis nous reprenons la ballade. Quelques vaches traînent dans les rues et agissent comme reines (un peu comme les cyclistes à Munich!), des chèvres accrochées par une corde sont habillées et posent sur des cartons avec un collier ou une chaînette qui tintille. Les pigeons-corbeaux mangent les rats morts... Un gars à cheval passe, et les hommes tirent des charrettes toujours plus chargées.
Nous comparons les prix de train dans différentes agences qui font des réservations avec commission. Nous n'avons pas trop le choix, si nous voulons partir demain soir, il n'où faudra passer par ces attrapes-touristes. Sinon, deuxième solution, le gars de notre hôtel nous explique qu'on peut se pointer tôt dans le bureau de réservation afin de prendre les 2 dernières places disponibles. Mais nous souhaitons retourner chez mère Theresa, et n'avons donc pas le temps pour ça. Nous essayerons de nous y prendre à l'avance pour la prochaine fois, mais cette fois-ci, nous payons la commission et repartons avec nos billets.
Nous achetons une bière dans le magasin grillagé et nous calons sur notre lit pour s'organiser le trip à venir à l'aide du guide. La journée a été intense! Des insectes nous passent sous le nez, mais comme ils sont petits, nous les chassons seulement de la main sans affolement. On est déjà plus tolérant!
Puis on essaie de trouver le sommeil, avec pas mal de confusion dans nos crânes...
 
Le pont le plus emprunté au monde
 

1 commentaire:

  1. Outch... dur dur votre récit... et pour avoir eu le récit d'autres globes trotteurs, l'Inde est souvent une étape difficile à gérer... Du coup j'ai même pas de blague à faire ce coup-ci, c'est dire... Aller Grosses bises à tous les deux!

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